Avril en juin. 2010 pour être exact. Une rencontre d'happy hour, accoudés avec philosophie, non loin des Ateliers de Sèvres. Coïncidence des premières années de cette jeune designer, pas encore sortie - à cette époque - de ses années étudiantes. Le book et les dessins sur la table. Une lampe séduisante, mais en cours d'édition. D'autres projets plus laboratoires. Et cette Ruche. Cette forme douce qui attire le regard, qui nous plonge dans notre enfance. Cette cuillère à miel en plastique jaune vif au fond du tiroir que l'on voyait tous les jours sans l'utiliser. Coup de coeur visuel et fonction intelligente. Ruche du regard, Ruche des idées. C'est tellement pratique d'emprunter des idées sur ces freeways qui se superposent, plus ou moins encombrées de livres et d'objets selon les heures de pointe.

Les projets qui paraissent les plus simples sont souvent les plus compliqués à réaliser. L'impression d'être simple à l'oeil, la difficulté d'être stable à la main. Un guéridon a un pied et un plateau, et un chevet a quatre pieds, un tiroir ou deux tablettes. C'est économique et léger pour l'éditeur. La Ruche a 13 plateaux dans sa genèse. Très esthétique, mais plus lourd pour l'éditeur qui éprouvera une certaine difficulté à expliquer le surcoût de la matière au client final. Un coup de coeur est toujours plus agréable lorsqu'il débouche sur quelque chose. Le projet original passe le filtre économique et technique. La flexibilité d'esprit d'Avril nous a permis de stabiliser la Ruche en augmentant la taille des entretoises et de réduire le nombre de plateaux tout en agrandissant la famille. Le benjamin et le cadet ayant autant de personnalité que l'aîné. 6, 7, 9 plateaux, l'esprit reste. Les livres de poches aussi, et les brochés prennent place...

Avril aborde avec poésie un grand classique du design, la petite table d'appoint autant guéridon que chevet. Son dessin marque l'esprit. Iconique dans l'esthétique, fonctionnel dans la pratique.
L'esprit esthétique. A genou, sa forme développe l'imagination des enfants. Des petits, legos et playmobils ayant toutes leurs places, comme des grands, un oeil fermé et l'autre ouvert en super 8, la Ruche passant de la taille svelte aux rondeurs assumées. A mi-hauteur, lorsque les heures passent, les dimanches de camomille s'animent au gré des jeux de lumière et des mains baladeuses. Les passionnés d'architecture trouveront un air du "Solomon R. Guggenheim Museum" de F.L. Wright (1959), ceux de design, un air ramassé des tables basses - et hautes - "Elysée" de P. Paulin (1971). 

L'esprit pratique. C'est-à-dire avoir sous la main ce que l'on aime, ses grigris, ses rituels, ses livres de chevet, ce que l'on doit feuilleter, ou ce qu'au fond - de la Ruche - personne n'est censé voir. Ruche de jour et Ruche de nuit. Objet d'exposition et cachettes d'adulescents. Coté jour ou coté nuit.La particularité de la Ruche est sa construction. Elle alterne plateaux et entretoises. Des plateaux fins, succession de strates, suffisamment résistants pour vivre au quotidien et des entretoises en corolle qui allègent le dessin latéral et qui augmentent la profondeur des étagères. Patisserie des rêves, le tout est scellé et laqué pour donner corps à l'ensemble. Ce laquage gourmand donne l'impression que la Ruche a été trempée dans un pot, le matériau de la structure devenant difficile à définir, même pour les plus avertis. Pour cette première série, Avril a défini des teintes mates et spécifiques selon la taille des Ruches. Couleurs poudrées et profondes, blanc pour la Ruche 9, gris pour la Ruche 7 et bleu pour la ruche 6.

GB

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Illustration et photos - A. de Pastre.